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Je me pose toujours cette question au sujet des expatriés: le pays où vous êtes né et où vous avez grandi ne vous manque-t-il pas ?
J’ai fait davantage que grandir en France. J’ai passé de nombreuses années de ma vie d’adulte à Paris et en ai de superbes souvenirs, mais je me souviens de ma fascination pour l’Amérique et lorsque ma carrière m’emmena à New York, je sus que j’y resterais. Oui, il est vrai que la France et mes amis me manquent, mais ma vie est en Amérique. Et pourtant je sens mes racines françaises – franchouillardes même par moments – bien vivantes en moi.

D’où vous viennent les idées pour vos romans ?

J’aimerais le savoir, car, dans ce cas, je retournerais à leur source. De mes échanges avec d’autres écrivains, il semble que beaucoup d’idées viennent du besoin de l’auteur de se débarrasser d’un fardeau, de confronter un démon ou encore de questions que beaucoup se posent, mais qui sont sans réponse, comme par exemple la possibilité d’une existence dans l’au-delà. C’est ainsi que naquit mon roman Bayou Cruel. Un roman peut aussi naître d’une rencontre ou d’un récit entendu dans un bar. Il n’y a pas de recette pour l’imagination. Pas que je sache en tout cas.

Quel est votre routine d’écrivain ?

Je n’ai jamais été du matin – un problème durant mon service militaire – mais ma journée commence par du travail, même si cela ne se voit pas. Je demeure en effet au lit après mon réveil, me remémorant dans quelles circonstances j’ai laissé mes personnages la veille et laissant mon imagination vagabonder sans directive alors que je me trouve encore entre rêve et réalité. Plus tard, après une matinée consacrée à la lecture, je m’installe à mon clavier vers midi. L’expérience m’a appris à persévérer même lorsque je me sens coincé dans ma narration, car en fait le temps n’est jamais perdu et il demeure toujours quelque base pour un meilleur lendemain même lorsque le travail de la veille se retrouve dans la poubelle.

Lisez-vous beaucoup ?
Oui, j’adore lire, principalement des biographies comme celle de Steve Jobs par Walter Isaacson ou des polars. La mort d’Elmore Leonard m’a enlevé l’un de mes favoris. J’aime aussi les grands auteurs américains comme John Updike ou Philip Roth ou leurs plus jeunes confrères comme Jonathan Franzen. Je ne lis pas autant de littérature française que je le voudrais à cause de l’environnement dans lequel je vis et cela me manque. Je me tiens au courant en suivant des émissions littéraires françaises sur TV5 Monde.

Pensez-vous en anglais ou en français ?
Je ne peux pas davantage répondre à cette question que je ne connais la langue de mes rêves. Il m’arrive d’écrire dans une langue et de réaliser plus tard que j’en ai changé sans m’en apercevoir.

Et la page blanche ?
Lorsque l’imagination se bloque, j’ai l’impression de heurter un mur. Même lorsque les mots volent sous mes doigts et que les personnages vivent leur vie, je sais que le moment viendra où ils perdront leur voix et que je serai incapable de faire la transition avec la suite du récit. Je paniquais dans le temps lorsque cela m’arrivait, mais je m’y suis habitué et je sais que la solution se révélera. L’attente n’est pas agréable et la mauvaise humeur s’installe, mais cela fait partie du métier, il me semble.

Comment réagissez-vous aux critiques ?
J’ai eu de la chance jusqu’ici, mais soyons honnêtes, nous souhaitons tous être aimés ou appréciés et toute forme de rejet fait de la peine. Un roman ou un scénario est le fruit de mois de dur travail et lire ou entendre que ce temps a été gaspillé n’est pas agréable. Je ne crois pas ceux qui se déclarent indifférents aux critiques.

Comment effectuez-vous votre recherche ?
J’essaie de rassembler le maximum d’information sur le sujet que je vais traiter afin de m’imbiber du monde dans lequel mes personnages vont vivre et confronter leurs problèmes. Seule une infime fraction de cette information se retrouvera sur la page imprimée, je le sais, mais le temps consacré à la recherche n’est jamais perdu. Comprendre un univers est essentiel pour le décrire de façon crédible. Ayant décidé que le narrateur de Bayou Cruel serait un restaurateur, je me suis tourné vers un camarade d’école et ami, alors propriétaire de Taillevent l’un des meilleurs restaurants de Paris. Non seulement Jean-Claude Vrinat m’accueillit-il dans ses cuisines, il intervint auprès de Danny Meyer le propriétaire de l’Union Square Café à New York où je passai deux jours, carnet de notes en main. J’ai ainsi compris les motivations, frustrations et ambitions de mon personnage mille fois mieux que si je m’étais contenté de consulter Google. De même aller passer deux jours à Buchenwald et visiter le théâtre de tant d’horreur fut essentiel pour écrire Te souviens-tu de moi ?